Au Sénat, la "mission balai" a 200 lois inutiles dans son viseur

Publié le par angeline351

Au Sénat, la "mission balai" a 200 lois inutiles dans son viseur

Le bureau d’abrogation des lois anciennes de la Haute Assemblée traque textes obsolètes et dispositions dépassées pour alléger l’étouffant millefeuilles législatif.

Pour mesurer le phénomène, il faut imaginer une pile qui ne cesse de grossir et qui, plus elle s’épaissit, plus elle se complexifie, moins on y comprend quelque chose. La folie législative de nos gouvernants et de nos parlementaires a créé un empilement de lois désormais incompréhensibles qui rend totalement illusoire l’adage « nul n’est censé ignorer la loi ». A tel point qu’il est aujourd’hui impossible d’en connaître le nombre exact... Il arrive d’ailleurs que les parlementaires votent de nouvelles lois dont les dispositions existent déjà mais qui n’ont jamais été appliquées ou qui en contredisent d’autres plus anciennes ! Pour la seule année 2018, le « Journal officiel » compte 45 lois, 1 267 décrets, 8 327 arrêtés réglementaires et 71 521 pages. Les lois ne sont pas forcément plus nombreuses qu’il y a dix ans, mais elles sont plus bavardes et complexes. « Résultat, constate le député Jean-Luc Warsmann, les textes d’application, quand ils sont publiés, ne sont pas clairs. » Surtout, l’appareil de l’Etat est paralysé par cette accumulation, impénétrable même par les spécialistes. Le seul Code du travail contient 11 109 articles 

En regardant les lois anciennes, on en a trouvé de nombreuses qui n’avaient plus qu’un seul article encore utile
« Lors de ma campagne électorale, j’avais proposé que pour chaque nouvelle loi votée on en supprime deux », confie le sénateur Vincent Delahaye. Une promesse faite aussi par le Premier ministre en septembre 2017, mais jamais mise en œuvre. « On a espéré un toilettage, mais rien ne vient », ajoute l’élu UDI, vice-président du Sénat. Alors, dès l’automne de la même année, il décide, avec le soutien du président de la chambre haute, de créer la « mission balai », acronyme de « bureau d’abrogation des lois anciennes inutiles » pour, explique-t-il l’œil rieur, « passer un coup de balai dans les textes ». A l’unanimité, le Sénat vient d’adopter une proposition de loi qui en abroge 49 autres votées entre 1819 et 1940. « Il y en avait une qui fixait les règles d’un bureau de bienfaisance ayant depuis disparu, raconte Delahaye, une autre donnait les conditions d’abattage des sangliers pour l’année 1904, une troisième s’intéressait au trafic des monnaies nationales alors qu’on est à l’euro, une quatrième à celui dans le commerce du beurre... »

Grâce au travail de recensement entrepris par une équipe d’administrateurs du Sénat, il a désormais dans le viseur 200 textes pour les années 1940-1980. Cet exercice, assez symbolique au regard du nombre de lois en vigueur en France, est, dit-il, une manière d’alerter sur la manière dont elles sont fabriquées : « Pour être vraiment efficace, il faudrait plus les préparer. Tout nouveau texte devrait inclure les précédents sur le même sujet, en abroger les dispositions obsolètes et conserver celles qui sont toujours d’actualité. En regardant les lois anciennes, on en a trouvé de nombreuses qui n’avaient plus qu’un seul article encore utile. Il faudrait redonner une cohérence à tout ça. » Alors il continue, un peu inquiet des évolutions dans la pratique du pouvoir : « Avant, les textes tenaient sur une page et se contentaient d’énoncer les grands principes. Aujourd’hui, ils sont trop bavards – la loi Alur fait 350 pages ! On veut tout réglementer. Et dès qu’il y a un problème, on se dit qu’il faut une loi. »

Le 3 juillet 2017, devant le Congrès, Emmanuel Macron disait : « Sachons mettre un terme à la prolifération législative [...]. Telle circonstance, tel imprévu, telle nouveauté ne saurait dicter le travail du législateur car la loi n’est pas faite pour accompagner servilement les petits pas de la vie de notre pays. Elle est faite pour en encadrer les tendances profondes, les évolutions importantes, les débats essentiels et pour donner un cap. » L’exercice de l’Etat et les gilets jaunes sont, depuis, passés par là...

En chiffres
400 000, c’est le nombre de normes que les collectivités territoriales doivent appliquer.
320 000 articles législatifs et réglementaires étaient en vigueur au 1er janvier 2018, dont 80 000 relevant du domaine de la loi.
308 articles dans la seule loi Macron du 6 août 2015 qui ont entraîné 848 modifications législatives affectant 30 codes et 55 lois ou ordonnances. 
18 695 amendements ont été adoptés par les députés entre juin 2012 et juin 2017, contre 2 votés par leurs homologues allemands en quatre ans.

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