Toulouse. Plan social chez Airbus : voici les efforts que les salariés sont prêts à faire

Publié le par angeline351

 

Toulouse. Plan social chez Airbus : voici les efforts que les salariés sont prêts à faire
Face à la crise qui secoue l'aérien, Airbus envisage la suppression de 5 000 postes en France. Voici les efforts que les salariés sont prêts à faire pour sauver les emplois.

Quatre mois. C’est le nombre de mois pendant lesquels vont se dérouler les négociations entre la direction d’Airbus et les syndicats concernant un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Face à la crise qui secoue le transport aérien, conséquence du coronavirus, le groupe envisage la suppression de 15 000 postes, dont 5 000 en France. L’activité n’ayant pu reprendre qu’à 40 % chez Airbus.

Du chômage partiel de longue durée
Les discussions ont débuté le lundi 6 juillet 2020. Un accord de méthode a été signé mercredi. « Nous sommes en train de négocier le PSE », indique Gérard Pimbert, secrétaire général FO Métaux, syndicat majoritaire à Toulouse. « Il y a quatre mois de négociations ». Pour ce salarié chez Airbus Opérations, il est trop tôt pour envisager un accord de compétitivité :

Pour l’instant, nous n’avons pas besoin d’un accord de compétitivité. Je pense qu’il y a d’autres moyens, comme le chômage partiel de longue durée ou les départs en préretraite, pour faire face à la crise. Il va falloir travailler sur ces leviers, pour éviter des licenciements. 

« Zéro licenciement »
Gérard Pimbert ne veut pas entendre parler de licenciement sec. « C’est non-négociable », confie-t-il. « On s’y opposera. Nous sommes convaincus que cette crise est conjoncturelle. Demain, l’activité reprendra. En attendant, nous devons collectivement faire des efforts ».

« À nous de trouver des solutions » pour passer au mieux ces « deux années difficiles à venir », « dans le respect des salariés qui ont contribué à la richesse et à la réussite d’Airbus à ce jour ». 

Vers un accord de compétitivité ?
« Pour sauver les postes », Françoise Vallin, coordinatrice CFE-CGC, se dit, elle, prête à négocier un accord de performance collective.

Dans les négociations à venir, Françoise Vallin entend mener de front deux combats. Parmi les 5 000 suppressions annoncées par Airbus en France, la Toulousaine espère « sauver le maximum de postes », en utilisant tous les dispositifs disponibles. Pour les postes qui ne pourront pas être sauvés – car Airbus fait face à un baisse de l’activité de 40 % – « il faudra négocier des départs sur la base du volontariat ». 

Telle une épée de Damoclès
Un accord de performance collective, s’il devait être signé, permettrait-il d’éviter ensuite un plan social ? Françoise Vallin se montre prudente, prenant l’image d’une « épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes » :

Nous sommes toujours très regardants sur ces accords de performance collective. Les postes sauvés ne seront-ils pas rechallengés par la suite ? Il y a eu des efforts qui ont été consentis par des salariés dans d’autres entreprises, et puis finalement un plan social quelques mois après… avec parfois des fermetures de site.  

Des mesures temporaires
Françoise Vallin pense à l’accord signé en juin dernier par les salariés de Derichebourg. Ces derniers ont consenti à de nombreux efforts pour éviter un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui envisageait la suppression de 700 postes. La syndicaliste espère que les salariés de Derichebourg ne connaîtront pas le même sort. 

Une chose est sûre, pour Françoise Vallin, les mesures discutées dans le cadre d’un accord de performance collective chez Airbus devront être temporaires :

Les mesures devront être bornées dans le temps, pour traverser la crise actuelle. Elles auront une date de début et une date de fin. Il n’est pas question d’entériner définitivement la perte du treizième mois, une modération salariale ou une nouvelle organisation du temps de travail. Nous demanderons, lors des négociations avec la direction, la clause de retour à meilleure fortune. 

Le dialogue social, version Airbus
Cette clause de retour à meilleure fortune impliquerait que les salariés soient les premiers à bénéficier d’une reprise de l’activité chez Airbus. Le syndicat CFE-CGC dit d’ailleurs avoir l’habitude des négociations. Françoise Vallin cite l’exemple de la chaîne A321 à Toulouse, dont la mise en service était prévue en 2022 :

Pour obtenir la chaîne A321 à Toulouse, nous avions signé un accord d’organisation du travail. C’est une forme d’accord de performance collective. Nos collègues à Saint-Nazaire avaient fait la même chose pour une cinquième ligne d’assemblage de tronçons. 

Les efforts, vous ne pouvez pas les inventer ! »
Les cadences étant ce qu’elles sont, ces deux projets sont temporairement à l’arrêt. Pour ce qui est de l’accord en cours de discussion, Françoise Vallin avance plusieurs éléments sur la table des négociations  :

Les efforts, vous ne pouvez pas les inventer ! Ils sont de deux ordres. Soit vous touchez au porte-monnaie, soit vous touchez au temps de travail… Chez Safran, les salariés ont accepté une modération salariale jusqu’à 2021. 

Le CE sur la sellette 
Plusieurs variables d’ajustement existent chez Airbus, estime Françoise Vallin, évoquant notamment les sommes versées par l’employeur Airbus au comité d’entreprise (CE) :

Les directions versent un pourcentage de la masse salariale pour faire fonctionner les comités d’établissement. À Toulouse, nous sommes à 5 % de la masse salariale. Nous sommes prêts à mettre cela dans la balance à condition de sauver des emplois. Cela implique de la confiance et de la transparence entre la direction et les partenaires sociaux, que d’autres mesures de compétitivité ne viennent dans la foulée… 

Une posture ?
Florent Veletchy, secrétaire général CFTC, n’y est pas favorable. Selon lui, cette option n’aurait d’ailleurs pas la préférence de la direction. En revanche, le recours à l’activité partielle de longue durée « permettrait de sauver des milliers de postes ». « Malheureusement, la direction ne souhaite y recourir que sur une partie seulement des salariés, pour celle dont l’activité va repartir à moyen terme », regrette-t-il. « C’est une posture pour engager une refonte structurelle ».

Si Florent Veletchy estime que cette crise est conjoncturelle, ce responsable syndical n’élude pas les enjeux financiers :

Nous perdons énormément d’argent tous les jours. Les chiffres sont éloquents. Au plus fort de la crise, nous perdions 100 millions d’euros par jour. Airbus a consommé une bonne partie de sa trésorerie. Les syndicats ont donc le devoir d’être responsable, pour préserver l’entreprise. Pour autant, cela ne doit pas être un prétexte pour se séparer d’une partie des salariés. Airbus a pris des engagements concernant l’avion neutre en carbone d’ici 2035. Nous aurons besoin de nos ingénieurs, de nos techniciens… Le lancement d’un nouveau programme génère en principe une vague d’embauches. Là nous devons lancer un programme ambitieux, qui implique une rupture technologique importante, tout en se séparant de nos compétences. Comment allons-nous relever ce challenge ?

Lire aussi : De l’huile de friture dans les Airbus, la solution écolo pour continuer à prendre l’avion

Une embauche, pour deux suppressions
C’est pourquoi la CFTC défend le principe d’une embauche pour deux suppressions de poste. « Nous voulons que les départs chez Airbus soient choisis », souligne Florent Veletchy. « Si les mesures sont suffisamment incitatives, les générations qui sont proches de la retraite – donc les plus gros salaires – seraient prêts à laisser leur place aux jeunes. Les politiques salariales chez Airbus étaient jusque-là plutôt bonnes… De cette façon, l’entreprise pourrait économiser de l’argent ».

Sur ce point, l’État a un rôle à jouer :

Si les mesures pour quitter l’entreprise sont attractives, des salariés seront volontaires. Une exonération de charge fiscale serait la solution. Notre entreprise cherche à faire des économies de trésorerie, ce n’est pas son intérêt de verser d’importantes primes pour aider les salariés à partir. Les sommes sont très chargées pour les entreprises. Si le gouvernement accepte des mesures d’exonération, Airbus compterait beaucoup plus de volontaires pour les départs.

« Nous n’avons pas été élus pour cela »
Un autre levier existe, estime Florent Veletchy, dans le cadre du plan de relance du gouvernement :

Pour fabriquer l’avion vert de demain, il y a des centaines de millions d’euros à récupérer dans le cadre du budget CORAC (Conseil pour la recherche aéronautique civile française). Airbus, chef de file de l’aéronautique, est légitime à récupérer une partie de ce budget pour financer la R&D. D’autres entreprises réussissent aujourd’hui à en préempter entre 30 et 35 %, contre 11 % pour Airbus.

Autant d’éléments qui conduise Florent Veletchy à penser qu’un accord de performance collective n’est donc pas inéluctable. « Ce dispositif touche aux acquis sociaux, cela concerne la rémunération (treizième mois, primes d’équipe…), le temps de travail… Nous n’avons pas été élus par les salariés pour accepter de telles concessions ».

Des acquis sociaux menacés
Face aux syndicats représentatifs (FO, CFE-CGC, CFTC) chez Airbus, Olivier Le Penven, délégué du personnel CGT, tient un discours plus frontal. Il estime que les entreprises « profitent de la situation », de ce « ralentissement économique » pour « récupérer les acquis des salariés sous forme de primes d’équipe, de treizième mois… » :

« La peur du chômage » permettrait d’obtenir de manière pernicieuse une diminution des salaires :

Ils nous mettent la pression… Nous avons le couteau sous la gorge. C’est soit un accord de performance collective, soit le plan total de suppressions de postes annoncé. La volonté de la direction est de mettre en place ces accords de performance collective. Pour nous c’est inacceptable quand une entreprise a 30 milliards de trésorerie et un carnet de commandes sur dix ans !

Au profit des actionnaires
Olivier Le Penven s’inquiète de voir tous ces efforts consentis par les salariés profiter aux actionnaires : 

À la CGT, nous pensons que la crise sanitaire qui a entraîné une crise économique dans l’aéronautique est temporaire. Or l’objectif des accords de performance collective est de baisser la masse salariale, de façon à retrouver un niveau de trésoreries comme avant la crise. Ils veulent pouvoir reverser des dividendes aux actionnaires dès la reprise. Ce qui n’a pas été versé cette année le sera plus tard…   

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