Quatre questions sur la nouvelle « justice de proximité » promise par le gouvernement

Publié le par angeline351

Quatre questions sur la nouvelle « justice de proximité » promise par le gouvernement

Répondre « aux incivilités du quotidien ». Voilà un nouvel objectif gouvernemental que le Premier ministre Jean Castex a tenu à clarifier mercredi 15 juillet devant l'Assemblée nationale. Pour ce faire, le chef du gouvernement a défendu la création « dans des territoires de juges de proximité », à partir de 2021. Le Garde des sceaux Eric Dupond-Moretti préfère, lui, parler de « justice de proximité » au sens large.

Est-ce une nouvelle strate dans l'appareil judiciaire ? Comment cela va-t-il se traduire concrètement ? Explications dans CQFD.

1. Qu'entend-on par « justice de proximité » ?
Jean Castex fait assaut de fermeté sur les sujets sécuritaires. Il tient donc à répondre aux « incivilités du quotidien » par la création « dans les territoires, de juges de proximité » à partir de 2021. « Dans beaucoup de territoires », « le tag, l'insulte, le petit trafic, […] se sont développés au point de gâcher la vie quotidienne des gens. Ils se sont développés car faute de réponse judiciaire, une forme d'impunité s'est installée », a ainsi justifié le nouveau chef du gouvernement.

Faute de « réponse judiciaire » ? C'est en substance ce qu'Eric Dupond-Moretti, le nouveau Garde des Sceaux, a également voulu faire passer comme message dans un entretien accordé au « Journal du Dimanche » : « Je veux réconcilier les Français avec leur justice, leur redonner confiance », a-t-il plaidé. En revanche, le ministre a nuancé les dires du chef de gouvernement en expliquant qu'il s'agirait plutôt d'une « justice de proximité ».

Sur le fond, l'intention reste semblable. « On va essayer d'avoir une justice qui a le souci de la proximité avec les justiciables », a-t-il fait valoir. « Un gamin qui se fait prendre en train de taguer, le lendemain il doit être en train de repeindre le mur. Voilà le genre de chose que j'aimerais mettre en place », a-t-il par la suite détaillé sur France 2.

2. Quel est l'objectif ?
Il ne s'agit pas de créer un nouveau magistrat, ni de réformer la carte judiciaire. L'objectif serait de renforcer l'action judiciaire de proximité dans le cadre de la nouvelle organisation issue de la loi de programmation et de réforme de la justice, portée par l'ancienne Garde des Sceaux Nicole Belloubet. Et de mieux traiter les infractions du quotidien, en les faisant avancer plus rapidement.

Concrètement, cela consisterait à faire intervenir au plus près du terrain, soit dans des tribunaux de proximité, des juges correctionnels ou de police. Ces derniers exercent habituellement au sein de tribunaux judiciaires et traitent, pour les premiers, d'affaires pénales passibles de contraventions et de délits passibles de peines pouvant aller jusqu'à dix ans de prison pour les seconds.

3. Est-ce inédit ?
L'emploi du terme « juges de proximité » par le Premier ministre n'a pas manqué de faire réagir. Et la raison est simple : elle est similaire à une catégorie de magistrat déjà existante par le passé. Ces juges de proximité, magistrats non professionnels, ont fait leur apparition en 2002. Ils statuaient en matière pénale sur les contraventions et en matière civile sur les litiges n'excédant pas 4.000 euros. En 2017, ces juridictions, n'ayant pas démontré leur efficacité pour désengorger les tribunaux, ont été supprimées et intégrées aux tribunaux d'instance.

Il ne s'agit toutefois pas de faire revenir sur le devant de la scène cette catégorie de magistrats mais plutôt de permettre aux Français de bénéficier de juges à proximité de leur domicile. Une volonté mise en avant par le ministre de la Justice. « Je propose que, dans certaines parties du territoire ou dans des cas particuliers, on amène le juge à se déplacer plutôt que le justiciable. Ce sera utile à tous ceux pour qui l'accès à la justice est difficile - ce sont souvent les plus démunis », a expliqué Eric Dupond-Moretti dans une interview au Journal du Dimanche.

4. Pourquoi cela fait-il polémique ?

La mesure est loin de faire l'unanimité. Magistrats et avocats fustigent le « flou » et « l'incohérence » du gouvernement. « Nous n'avons pas les contours précis de la réforme », regrette ainsi Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature.

Les syndicats jugent par ailleurs faux de considérer qu'il y a un manque de réponse judiciaire aux infractions. « Les propos du ministre font croire que le problème est de ne pas juger ces petits délits. Mais elles sont jugées ces affaires », et souvent rapidement, notamment en comparution immédiate, tranche Katia Dubreuil. « On fait une communication racoleuse sur la question des incivilités », estime-t-elle. « Tout acte signalé fait l'objet d'un traitement pénal », confirme Catherine Glon membre du Syndicat des avocats de France.

En outre, magistrats et avocats considèrent que cette proposition est en contradiction totale avec la loi de réforme de la justice qui a entraîné la disparition en janvier des tribunaux d'instance. Ces juridictions de proximité, nombreuses et destinées à un public fragiles, ont effectivement fusionné avec les tribunaux de grande instance pour former les tribunaux judiciaires.

Des doutes subsistent également sur les modalités d'application. « Il n'y a pas de petite infraction, de petit procès et donc la justice de proximité ne doit pas vouloir dire précarité des droits de la défense », explique à l'AFP Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux (CNB). « Si l'on veut nous raconter que le juge devrait se déplacer, comme le souhaite le ministre de la Justice, cela sera impossible faute de moyen », estime Catherine Glon.

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