Réforme de la santé au travail : exit la « médecine du travail », place aux « services de prévention et santé au travail » !

Publié le par angeline351

Réforme de la santé au travail : exit la « médecine du travail », place aux « services de prévention et santé au travail » !

Comment les services de santé au travail, qui deviennent des « services de prévention et de santé au travail », accueillent-ils cette réforme 

Les services de santé au travail vont désormais disposer d’une définition plus claire de leurs missions, qui a fait largement consensus parmi les partenaires sociaux et les parlementaires.

La loi a été largement inspirée de l’accord national interprofessionnel conclu fin 2020 par toutes les organisations syndicales représentatives d’employeurs et de salariés, à l’exception de la CGT. Elle a fait l’objet d’une large majorité à l’Assemblée nationale, incluant y compris des partis d’opposition.

En clair, on dispose d’une commande sociale consensuelle, et forcément plus favorable à l’action des services car plus lisible, plus cohérente et plus efficace.

Pourquoi ce changement de nom ? Aura-t-il selon vous un impact réel ?

Ce qu’on peut dire d’abord, c’est que les services ont toujours fait de la prévention.

Leur mission historique est de prévenir l’altération de la santé du fait du travail.

Ceci dit, le changement de nom peut avoir des vertus pédagogiques auprès des salariés et des employeurs.

L’enjeu, c’est un changement de culture pour agir le plus en amont possible des problèmes de santé, en agissant sur les conditions de travail.

Ça, c’est favorable à la santé, à la baisse de l’absentéisme, à la performance économique.

L’attente première vis-à-vis de la médecine du travail demeure souvent la visite médicale.

Avec ce changement de nom, on renforce la conscience que l’évaluation des risques et l’élaboration d’un plan d’action sont bien des priorités.

Si le suivi de l’état de santé permet de vérifier régulièrement la compatibilité entre santé et environnement de travail, le changement de nom correspond à une nouvelle orientation favorable.

Pouvez-vous nous parler de la nouvelle « offre-socle » des services ? Que change-t-elle concrètement ?

Cette offre-socle est importante parce qu’elle va définir plus précisément le périmètre d’action du service de prévention et de santé au travail, ce que peuvent en attendre les employeurs et les salariés.

La loi inclut des objectifs de santé publique dans la mission des services, ce qui ouvre un champ très vaste d’intervention.

Il importe donc de bien délimiter jusqu’où vont les services, à l’aide d’indicateurs correspondant à cette offre-socle.

On peut ajouter que cette offre va permettre plus de cohérence et donc d’équité de traitement. C’est ce que devra assurer tout service de santé au travail, partout en France, et l’effectivité de ce service rendu va être vérifiée par une certification.

C’est une exigence saine puisqu’elle va obliger en amont les « pilotes » à fixer des objectifs atteignables par les services et des obligations qui soient possibles à respecter.

De nouveaux professionnels vont faire leur entrée dans les services (infirmiers en pratique avancée, médecin praticien correspondant…). Pourquoi ?

 Les partenaires sociaux et le législateur ont étendu la possibilité de recourir à d’autres professionnels de santé face à une démographie de médecins du travail préoccupante.

Ceci dit, ces renforts potentiels ne seront disponibles qu’à moyen terme.

La formation des infirmiers en pratique avancée n’est pas encore définie et encore moins réalisée. Les contraintes pour recourir à des médecins praticiens correspondants sont importantes (feu vert de l’ARS, formation, disponibilité, incompatibilité avec la fonction de médecin traitant, etc.).

Donc la réforme commencera à se mettre en place sans ces renforts.

Cela signifie que l’accent sera mis dans un premier temps sur la formation des infirmiers déjà en poste et les actions nécessaires pour renforcer l’attractivité de la spécialité « médecine du travail ». Il est important de faciliter la conversion des médecins vers d’autres spécialités ou de la donner à connaître à des étudiants, ce qui est insuffisamment fait.

Aujourd’hui la compétence du médecin du travail est toujours nécessaire pour de nombreux actes, confirmés par la loi d’août dernier, par exemple les visites de reprise, les visites de mi-carrière (+2,5% de besoin de médecins du travail avant de pouvoir recourir aux infirmiers en pratique avancée), les visites de fin de carrière, etc.

En quoi cette réforme encourage-t-elle la « prévention primaire », qui vise à empêcher la survenue d’un risque ou à en supprimer les causes ?

La nouvelle dénomination marque une volonté politique de développer la prévention primaire :

Agir sur les conditions de travail pour qu’elles n’altèrent pas - ou le moins possible - la santé.

Il est moins coûteux de prévenir que de réparer et, humainement, il n’y a que des avantages.

Le suivi de l’état de santé est utile mais il n’y a pas que ça qui est important en santé au travail. Et la culture de prévention doit primer sur la culture de réparation. Aujourd’hui l’essentiel des moyens est consacré à la réparation.

Ce n’est pas évident de consacrer des moyens sur quelque chose qui n’est pas encore arrivé et dont les effets négatifs peuvent ne se manifester parfois qu’après de longues années de travail. Par exemple, des aides-soignantes amenées à manipuler des malades ne ressentiront les effets de l’usure de leurs articulations qu’après des années. Dans la vie de l’entreprise, le court terme prend souvent le pas.

Compte tenu des enjeux liés au vieillissement de la population, au report de l’âge de la retraite, à la situation de nos comptes sociaux, cette orientation vers la prévention primaire est essentielle et les services de prévention et santé au travail interentreprises (SPSTI) sont des appuis de proximité indispensables et compétents pour accompagner les entreprises et les salariés dans cette approche d’intérêt général.

 

Publié dans VOS DROITS

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