Cour de cassation : quels inédits retenir cette semaine ?

Publié le par angeline351

PSE : comment apprécier la pertinence des moyens financiers ?
 
La pertinence d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être appréciée en fonction des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe dont elle fait partie pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement. S'agissant des moyens financiers du groupe, la pertinence doit s'apprécier compte tenu des moyens de l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du Code du travail sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national. Cass. soc., 11 sept. 2019, n° 18-19.478 F-D
 
La dissimulation de l’existence d’un trop-perçu de rémunération est-il constitutif d’une faute grave ?
 
Oui. Ayant relevé le caractère volontaire et persistant de la dissimulation à l'employeur de l’existence d’un trop-perçu de rémunération, y compris après la réclamation par l'employeur du trop-perçu pour une partie de la période concernée, la cour d'appel a pu en déduire que ces faits, de la part d'une salariée exerçant avec beaucoup d’autonomie des fonctions de vendeuse sur les marchés et s’occupant seule de l’encaissement du produit des ventes, constituaient une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise. Cass. soc., 11 sept. 2019, n° 18-19.522 F-D
 
 
Réparation intégrale du préjudice : le même préjudice peut-il être réparé deux fois ?
 
Non. En vertu des articles 1134 et 1147 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale du préjudice, les dommages-intérêts alloués à un salarié doivent réparer intégralement le préjudice subi sans qu'il en résulte pour lui ni perte ni profit.
Dans cette affaire, la cour d'appel a alloué à la salariée, outre des dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la nullité de son licenciement réparant le préjudice né de la perte de son emploi, des dommages-intérêts réparant la perte de chance de percevoir l'intégralité de la pension de retraite à laquelle elle aurait eu droit si son contrat de travail n'avait pas été rompu avant son départ à la retraite ; en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a réparé deux fois le même préjudice, a violé les textes et le principe susvisés. Cass. soc., 11 sept. 2019, n° 17-27.984 F-D
 
CSE : le salarié peut-il être membre élu et représentant syndical ?
 
Non. Un salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité social et économique en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant et de représentant syndical auprès de celui-ci, dès lors qu'il ne peut, au sein d'une même instance et dans le même temps, exercer les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d'élu, et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical lorsqu'il est désigné par une organisation syndicale. Il en résulte qu'en enjoignant au salarié, élu membre suppléant du comité social et économique, d'opter entre cette fonction et celle de représentant syndical à ce même comité, et à défaut, en déclarant nulle cette désignation, le tribunal d'instance a statué à bon droit. Cass. soc., 11 sept. 2019, n° 18-25.897 FS-D

 

Licenciement d’un représentant du personnel pour intrusion dans la messagerie professionnelle d'un autre salarié

 

Le fait pour un salarié d'utiliser les outils informatiques mis à sa disposition par l'employeur pour s'introduire dans la messagerie professionnelle d'un autre salarié, sans l'accord de celui-ci, doit être regardé comme une méconnaissance de l'obligation de loyauté découlant du contrat de travail, même si cela a lieu en dehors des heures de travail et que le salarié n'est pas sur son lieu de travail.

CE, 10 juill. 2019, nº 408644 

Un représentant du personnel s'introduit dans la messagerie professionnelle d'une salariée de son entreprise, en vue de lire la correspondance échangée par celle‑ci avec l’un des directeurs de leur entreprise, et accède aux messages qu'elle avait classés dans un dossier expressément identifié comme ayant un caractère personnel.
 
Licencié, il soutient que les faits en question ne constituaient pas une violation des obligations découlant de son contrat de travail, susceptible de faire l'objet d'une sanction disciplinaire.
Rappelons en effet que si les représentants du personnel ne peuvent être sanctionnés pour des faits en relation avec leurs mandats, ils peuvent l’être pour des actes constituant un manquement à leurs obligations professionnelles (Cass. soc., 30 juin 2010, n° 09‑66.792).
 
Le Conseil d’État a considéré que tel était ici le cas : « le fait pour un salarié d'utiliser les outils informatiques mis à sa disposition par l'employeur pour s'introduire dans la messagerie professionnelle d'un autre salarié sans l'accord de celui‑ci et y détourner de la correspondance ayant explicitement un caractère personnel doit être regardé comme une méconnaissance de l'obligation de loyauté découlant du contrat de travail, alors même que ces faits seraient commis, en dehors des heures de travail, alors que le salarié n'est pas sur son lieu de travail ».

Licenciement déjà validé en 2015 par le Conseil d'Etat
 
En phase avec la jurisprudence de la Cour de cassation, la Haute Juridiction administrative a énoncé que « un agissement du salarié intervenu en‑dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat ».
 
Sur le fondement de ce principe, le Conseil d’État avait en 2015, validé un licenciement pour acte de violence délibérément commis sur la personne d’un collègue sur le lieu du travail, même si ces faits avaient eu lieu à l’occasion de fonctions représentatives, car ce comportement traduisait une méconnaissance de l’obligation, découlant du contrat de travail, de ne pas porter atteinte, dans l'enceinte de l'entreprise, à la sécurité d'autres membres du personnel (CE, 27 mars 2015, n° 368855, JSL, 388‑8, 29 mai 2015).
Citons aussi, un licenciement pour manquement à l’obligation de loyauté, comme en l’espèce, dans le cas d’une utilisation par un salarié protégé de ses heures de délégation pour exercer une autre activité professionnelle (CE, 27 mars 2015, n° 371174, JSL, 13 mai 2015, n° 387‑7).
 
Enfin, il est à souligner qu’il est dit dans cet arrêt que peuvent être sanctionnés des faits commis « même en dehors des heures de travail, alors que le salarié n'est pas sur son lieu de travail ».

Étendue de la protection du travailleur temporaire titulaire d’un mandat extérieur

En application des articles L. 2413-1 et L. 2421-1 du Code du travail, le travailleur temporaire, conseiller du salarié, est protégé en cas d'interruption ou de notification du non-renouvellement de sa mission lorsqu'un tel renouvellement est prévu au contrat de mission. Il l’est également dans le cas où l'entreprise de travail temporaire lui a notifié sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission. Mais, en dehors de ces hypothèses, il ne peut prétendre, pour la Cour de cassation, à la mise en œuvre du statut protecteur.

Cass. soc., 11 sept. 2019, n° 18-12.293 P+B 

 

Un salarié d’une entreprise de travail temporaire fait l’objet d’une mise à disposition par contrat de mission s’étendant du 10 au 14 juin. Le 11 juin l’employeur reçoit un courrier (adressé le 8 juin par l'intérimaire) l’informant de sa qualité de conseiller du salarié. L’employeur sollicite l’inspecteur du travail afin de valider la fin de mission du travailleur temporaire. Mais, l’inspecteur du travail s’est alors déclaré incompétent pour statuer sur la demande d’autorisation.
Pour justifier sa décision l’inspecteur du travail a mis en avant une double justification :
 le conseiller du salarié ne bénéficie pas du statut protecteur dans le cadre de missions de travail temporaire ;
 il n’y a pas lieu à intervention de l’inspecteur du travail pour une fin de mission de travail temporaire.
Cette décision a été annulée sur recours hiérarchique. Mais le ministre du Travail s’est à son tour déclaré incompétent en raison de la rupture du contrat qui était intervenue préalablement à sa décision.
Le salarié a alors saisi les juridictions pour rupture de son contrat de mission en violation du statut protecteur et obtention de dommages-intérêts.
Il a obtenu gain de cause devant la Cour d’appel de Colmar. Pour cette dernière, sauf hypothèse de la fraude, le conseiller du salarié travailleur temporaire était protégé non seulement en cas d’interruption ou de notification de non-renouvellement de mission mais également dans le cas où l’entreprise de travail temporaire décide de ne plus lui confier de mission. Or, l’absence de proposition de continuer à effectuer des missions devait dès lors selon la cour d'appel s’analyser en une cessation du contrat de travail entachée de nullité.
 
Mais, cette décision est censurée par la Haute juridiction. Pour la chambre sociale, il appartenait aux juges du fond de caractériser l’existence de l’un des éléments suivants  :
soit d’une interruption du contrat de mission en cours ;
 soit d’un refus de renouvellement de cette mission lorsqu’il a été prévu au contrat ;
 soit de la notification au salarié par l’entreprise de travail temporaire de sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission.
Or il n’y avait pas démonstration de l’existence d’un tel évènement. En l’absence de notification d’une interruption ou encore d’un non-renouvellement ou de ne plus faire appel à lui il n’y a rien d’assimilable à un « licenciement ». Le contrat de mission a pris fin ici à son terme prévu.

Pour mémoire, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de mentionner dans le cadre d’une QPC que la protection du travailleur temporaire investi d'un mandat représentatif était applicable uniquement cas d'interruption ou de notification du non-renouvellement de mission (Cass. soc., QPC, 13 févr. 2012, n° 11-21.946).

Cette fois-ci, il y a en plus clairement exigence d'une démarche "active" de la part de l'employeur pour pouvoir conclure à une décision de ne plus confier de mission au salarié.

Et, on ne peut donc conclure, dans le contexte, de l’abstention de proposition faite à l’intéressé de continuer à effectuer des missions le fait d’avoir mis prématurément à terme le contrat du salarié. En l’absence d’action en ce sens de l’employeur le salarié ne peut prétendre au jeu de la protection et de l'indemnisation associée. Il n’y a pas eu de violation du statut. La cour d'appel ne pouvait par conséquent valablement accueillir la demande d'indemnité pour violation du statut protecteur du travailleur temporaire titulaire d'un mandat de conseiller du salarié dont la mission d'intérim était arrivée à terme sans autorisation de l'inspecteur du travail.
Dès lors, l’intérimaire protégé dont le contrat de mission arrive à échéance sans renouvellement prévu inscrit à son contrat et sans que l’entreprise ne lui ai expressément notifié une décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats, ne serait pas fondé à invoquer la violation dudit statut (en l'absence de saisine de l'inspecteur du travail pour demande d'autorisation).

Cette nouvelle décision de la Cour de cassation va dans le sens d’un renforcement de la sécurité juridique des entreprises de travail temporaire. Tout "procès d'intention", dans une telle situation, est en quelque sorte exclu.

 

Incompatibilité entre les casquettes d’élu titulaire ou suppléant et de représentant syndical au CSE !

Un salarié ne peut siéger simultanément dans le même CSE en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant, et de représentant syndical. Il ne peut y exercer ses fonctions délibératives d’élu, et ses fonctions consultatives associées à son mandat de représentant syndical et doit donc choisir entre les deux fonctions. À défaut, la désignation en tant que représentant syndical est nulle.

 

Une élue membre suppléante du CSE est désignée en qualité de représentant syndicale auprès du même comité. Son employeur conteste la nomination en invoquant l’incompatibilité entre les deux mandats. Le tribunal d’instance invite alors la salariée à opter entre les deux missions dans un délai d’un mois à compter de sa signification et à défaut, ordonne l’annulation de la désignation de l’intéressée en tant que représentant syndical au CSE.

Ce jugement provoque alors un pourvoi du syndicat et de la salariée. Ces derniers mettent à l’appui de leur contestation le fait, qu’en présence du titulaire, le membre élu suppléant du CSE ne siégeant pas, il n’y a pas incompatibilité des fonctions, hors absence du membre titulaire.
 
Mais, pour la Cour de cassation, un salarié ne peut siéger simultanément dans le même CSE en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant et de représentant syndical. Il ne peut, au sein d’une même instance et dans le même temps, exercer les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d’élu, et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical lorsqu’il est désigné par une organisation syndicale. Dès lors, le tribunal d’instance a pu valablement enjoindre à la salariée, élue membre suppléant du comité social et économique, d’opter entre cette fonction et celle de représentant syndical à ce même comité. Et, à défaut de choix opéré par l’intéressée, le tribunal a statué à bon droit en déclarant nulle cette désignation.
 
La règle de non-cumul est donc maintenue dans un contexte d’organisation du CSE. Peu importe que dans le cadre de cette instance (contrairement à la règle en vigueur dans le cadre du comité d’entreprise) il n’y ait plus possibilité pour le membre suppléant de siéger en même temps que les titulaires (C. trav., art. L. 2314-1, al. 2). Ainsi, comme elle l’avait fait dans le contexte des textes régissant le comité d’entreprise (Cass. soc., 17 juill. 1990, no 89-60.729), la Cour de cassation vient réaffirmer l’interdiction du cumul dans le cadre du CSE. Plusieurs tribunaux d’instance (TI Lorient, 20 nov. 2018, no 11-18-001343 ; TI Cherbourg-en-Cotentin, 18 déc. 2018, no 11-18-000784) avaient déjà tranché en ce sens s'agissant du CSE. La Haute juridiction vient donc lever le dernier doute qu’il restait sur le sujet en prenant à son tour position.  

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