Pétain, du «vainqueur de Verdun» à la «haute trahison»

Publié le par angeline351

Pétain, du «vainqueur de Verdun» à la «haute trahison»

Il est loin le temps de la gloire des tranchées. En juillet 1945, le «vainqueur de Verdun» est sur le banc des accusés à des années-lumière de la terrible année 1917 où il était devenu le héros des Poilus épuisés. Jugé pour «intelligence avec l’ennemi et

haute trahison», il n’évitera pas la peine de mort (commuée par de Gaulle en réclusion à perpétuité en raison de son grand âge) et la condamnation à l’indignité nationale. Prisonnier du fort de Pierre-Levée sur l’île d’Yeu, il s’y éteindra en 1951.


De 1917 à 1945, Philippe Pétain est devenu ce soldat qu’on

préférerait oublier, tant il entache a posteriori la victoire de la Grande Guerre. Comment célébrer les grands maréchaux de 1914-1918, Foch et Joffre, sans leur adjoindre le vainqueur de Verdun, l’ami des Poilus ? Mais comment célébrer un homme qui deviendra le pilier de la politique de la collaboration avec l’Allemagne nazie et le promulgateur des lois antijuives de 1942 ?

Officier sans panache
A la veille de la Première Guerre mondiale, Pétain arbore

déjà sa moustache paternelle et rassurante. Il a 58 ans, la fin de sa carrière approche et il a peu d’espoir de décrocher ses étoiles – le conflit lui vaudra une des promotions les plus rapides de l’histoire militaire : en moins de trois mois, le colonel, entré parmi les derniers à Saint-Cyr, deviendra général de corps d’armée quatre étoiles. S’il n’a participé à aucune campagne coloniale où les jeunes et bouillants officiers trouvaient alors l’occasion de se livrer à quelques faits d’armes valant

décorations, Pétain avait jusque-là vécu une vie de garnison presque monotone, entre gaietés de l’escadron et visites au bordel. Officier sans panache et de basse extraction, il prend bien soin, dans une armée de métier où les quartiers de noblesse valent encore promotions, de ne pas se faire remarquer. Il observe ainsi un silence opportun au moment de l’affaire Dreyfus, ce qui lui vaudra une réputation d’officier républicain.

Finalement titulaire de la chaire de tactique de l’infanterie à l’Ecole supérieure de guerre à Paris, le colonel Pétain professe un certain nombre d’idées assez novatrices. Il prend même à contre-pied la doctrine militaire à l’œuvre depuis la guerre de 1870 avec charge massive baïonnette au canon et poursuite de cavalerie sabre au clair : Pétain défend la manœuvre, l’initiative, la puissance matérielle alliée à des tirs d’artillerie ciblés. Quelques années plus tard, un autre militaire prendra également les manuels d’instruction militaire à rebrousse-poil : de Gaulle, un des premiers à définir, en France une utilisation optimale de l’arme blindée cavalerie. Hasard de l’histoire, le jeune sous-lieutenant servira en 1912 sous les ordres du colonel Pétain, alors chef de corps du 33e régiment d’infanterie à Arras. A l’époque, le cadet ne cache pas son admiration pour son aîné.

«Agaçant»
En 1916, alors que la guerre s’enlise, Pétain a enfin l’occasion de forcer son destin. Il est chargé de contrer

l’offensive allemande sur Verdun. Il réorganise tout l’approvisionnement des troupes par la fameuse Voie sacrée de Bar-le-Duc à Verdun et parvient avec son régiment, après 131 jours combats violents, à contenir les troupes allemandes. Pétain sort de cette bataille auréolé du prestige du vainqueur aux yeux des soldats. Pas à ceux de la haute hiérarchie militaire. «Je tiens à affirmer que le vrai vainqueur de Verdun fut Nivelle», écrit Joffre pour qui «le général Pétain, arrivé à Verdun au moment de la réorganisation du commandement dont il héritait, a remis de l’ordre avec l’aide d’un état-major bien composé et au moyen de troupes fraîches qui affluaient».

Mais c’est l’année 1917 qui va véritablement asseoir le prestige de Pétain. Le moral des troupes est au plus bas. Des soldats mettent la crosse en l’air et refusent de monter au front  : mutineries qui seront impitoyablement réprimées par un peloton d’exécution. A l’arrière, un vent pacifiste souffle. Clemenceau revient alors au pouvoir. Sa première décision sera de destituer le général Nivelle, responsable de l’offensive désastreuse du Chemin des Dames (40 000 morts, 150 000 hom­mes hors de combat) et de le remplacer par Pétain. Pourtant, le Tigre lui reproche parfois sa prudence dans la conduite de la guerre, («Il est agaçant à force de pessimisme», confiera-t-il à Poincaré) au point de lui préférer Foch pour occuper le commandement en chef des forces alliées .

Cheval blanc
Le vainqueur de Verdun va alors se soucier d’améliorer les conditions de vie des Poilus. Il sanctionne avec moins de sévérité les faits d’indiscipline collective et organise des alternances qui permettent aux soldats de se reposer à l’arrière du front. L’arrivée des troupes américaines et les troubles sociaux qui éclatent en Allemagne vont précipiter la fin de la guerre.

Le 14 juillet 1919, toutes les armées alliées célèbrent la victoire en défilant de la porte Maillot jusqu’à la place de la République. Derrière l’escadron de la garde républicaine arrivent les trois maréchaux, Foch, Joffre et Pétain monté sur un cheval blanc. En 1925, le futur chef de l’Etat français prend le commandement des forces françaises combattant aux côtés de l’Espagne lors de la guerre du Rif. Il devient académicien en 1929 et occupe le fauteuil de ministre de la Guerre de février en 1934 et 1935. Ambassadeur en Espagne, il est rappelé au gouvernement en mai 1940 et jugera d’emblée la situation perdue. Il signera la fin de la guerre le 22 juin dans le wagon de Rethondes, où l’armistice de 1918 avait déjà été signé. Auréolé de son statut de soldat républicain, le vainqueur de Verdun engage alors la France dans une politique de collaboration totale avec l’Allemagne nazie. Cinq années noires plus tard, il ne reste plus rien de l’aura du «vainqueur de Verdun».


 
 

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