MON EMPLOYEUR A-T-IL LE DROIT DE CONSULTER MES MESSAGES PRIVÉS ?

Publié le par angeline351

Vous êtes un salarié grandement exposé à l'usage d'outils numériques et vous avez du mal à vous retrouver dans vos droits et ceux de votre employeur ? Cet article vous propose d'éclaircir quelques points sur lesquels vous pourriez vous interroger.

Les outils numériques se font de plus en plus intrusifs dans la vie des salariés, mais deviennent également source de préoccupation pour les employeurs lorsqu’ils sont détournés de leur utilisation initiale.

JE CONSULTE MA MESSAGERIE PERSONNELLE SUR MON ORDINATEUR PRO DE TEMPS À AUTRE, EN AI-JE LE DROIT ?

Vous avez tout à fait le droit de consulter et envoyer des messages personnels depuis vos outils professionnels. Le droit du travail est régi par l’équilibre qu’il y a à trouver entre trois choses :

  1. Le droit à la vie privée du salarié (notamment le secret des correspondances).
  2. Le droit de propriété de l’employeur sur les outils qu’il met à la disposition de ses employés.
  3. La consécration du temps de travail du salarié à l’exécution de ses tâches.

Ce principe découle d’une vieille décision devenue célèbre en droit du travail, rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation le 2 octobre 2001, appelée arrêt Nikon. En termes simples, la décision établissait clairement pour le salarié un droit au respect de l’intimité de sa vie privée à laquelle l’employeur ne pouvait déroger « ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ».

Attention : cette décision a donné lieu à beaucoup d’abus, c’est pourquoi des nuances ont été apportées. Par exemple, l’usage abusif d’internet peut entraîner un licenciement pour faute grave. En 2009, la Cour de cassation validait le licenciement d’un salarié dont les relevés faisaient apparaître — pour un seul mois — une durée totale de plus de 41 heures de connexion à des fins personnelles, même chose pour la salariée s’étant connectée plus de 10 000 fois sur de très courtes périodes.

Toutefois, il ne faut pas oublier que ces connexions doivent être effectivement imputables au dit salarié.

 

MON EMPLOYEUR A-T-IL LE DROIT DE CONSULTER MES MESSAGES PRIVÉS ?

Il faut tout d’abord savoir qu’il existe une présomption de caractère professionnel vis-à-vis de tout ce que contiennent vos outils professionnels. De ce fait, votre employeur a le droit de les ouvrir hors de votre présence sans contrevenir à la loi. Ce n’est donc pas parce qu’un mail provient de votre messagerie personnelle qu’il sera considéré comme personnel a priori.

 

Cependant, ce message ne pourra pas être utilisé contre vous par votre employeur, c’est ce qui résulte de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation qui a estimé que : « le contenu des courriels produits était d’ordre privé […] sa production intégrale en justice ne pouvait être justifiée par la nécessité pour l’employeur de démontrer la volonté de l’intéressé de démissionner ou la réalité de ses horaires de travail ; que le moyen n’est pas fondé. »

Plus récemment encore, les tribunaux français jugeaient que les preuves extraites d’un compte privé Facebook étaient irrecevables et portaient une atteinte disproportionnée à la vie privée du salarié. Dans ce cas précis, l’employeur avait tenté de faire considérer les publications du salarié comme professionnelles, car obtenues via le téléphone portable professionnel d’un autre salarié, argument balayé par la Cour de cassation.

Attention cependant : si votre profil Facebook est public vous ne bénéficierez pas de la protection citée.

SUR MON ORDI PRO, J’AI UN DOSSIER NOMMÉ « PERSONNEL » OU « PRIVÉ » : EST-CE QUE MON EMPLOYEUR A LE DROIT DE LES OUVRIR ?

Il vous faut impérativement prendre connaissance de la charte informatique adjointe au règlement intérieur de la société pour savoir quel titrage exact rendra votre dossier personnel et donc hors d’atteinte de votre employeur. Des dénominations telles que « mes documents » ou les initiales du salarié ne seront, par exemple, pas suffisants. En l’absence de charte — et seulement en l’absence –, les mentions univoques comme « personnel » devraient suffire.

C’est là tout la question que s’est posée récemment la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 22 février 2018 dans un arrêt Libert c/ France.

Le salarié avait renommé son disque dur « d :/données personnelles », pensant ainsi bénéficier de la jurisprudence classique selon laquelle « les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel. » Le disque dur contenait de nombreux fichiers contrevenants aux règles déontologiques de l’entreprise (pornographie) et le salarié a été licencié, ce qu’il contestait devant la CEDH. En l’espèce, la charte informatique interne de l’entreprise indiquait clairement que la mention « privée » devait être utilisée pour identifier de telles informations.

Publié dans VOS DROITS

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